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Cela commence à bouger

En ce lundi 13 avril, ils étaient 300 manifestants rassemblés près de l’assemblée nationale contre la loi « surveillance généralisée ». Un nombre dérisoire quand on sait que derrière les murs de cette institution se jouaient des lendemains moins libres. En effet, le gouvernement proposait pour une seule lecture aux députés, le texte sur le renseignement. Pour les quelques représentants politiques et d’associations présents à cette manifestation, c’était museler en quelque sorte nos libertés de communication mais aussi celles d’aller et venir aussi bien sur le territoire national qu’à l’étranger.
Certains comme l’hébergeur Maxime Kurkjdan, DGA d’Oxalide, n’ont pas de mots assez durs contre cette Loi énonçant de manière lapidaire ce qu’elle va engendrer :
 perte de confidentialité avec les emails,
 arrêt du chiffrement pour les voix IP (Skype, etc...),
 perte du secret médical,
 obligation pour les FAI et hébergeurs d’installer une boîte noire à la sortie des tuyaux,
 fin des lanceurs d’alertes,
 perte du secret des sources pour les journalistes,
 interdiction d’utiliser des clés de cryptage, etc...
Bref, toutes les communications des français seront espionnées dans le monde entier par les services de renseignements [1].
Les dangers collatéraux font que déjà certains des clients de cet hébergeur (des grands groupes de presse) réfléchissent pour s’installer hors de France.

Une certaine peur s’étant installée chez les français depuis les attentats du 07 janvier 2015, les manifestations qui ont suivi n’ont pas permis d’ouvrir un débat national mais plutôt un repli sur soi et ce refus d’accepter l’autre. Ceci a provoqué la montée du nationalisme, confirmé à travers les deux dernières élections locales. Pour tenter d’enrayer cette évolution, le gouvernement a trouvé la solution d’une surveillance tout azimut [2], espérant ainsi contrer tant qu’à faire ce peut ce virage vers l’extrême droite. Pour Maxime « C’est l’abus de l’esprit du sept janvier ». Mais aussi « une procédure accélérée du gouvernement car il a peur ». La preuve ? « Aucun FAI ou hébergeur n’a été invité à discuter de cette loi. On nous impose quelque chose et si nous refusons nous serons condamnés. L’économie numérique risque fortement d’en pâtir ».

Les acteurs de la société civile contre cette Loi



Pourtant des voies s’élèvent pour dénoncer cette atteinte aux libertés des français. Tout d’abord celles de député de droite comme de gauche, qui prennent enfin conscience des risques d’une telle Loi.
Dans la société civile, il en est de même, avec Charlie Hebdo qui rejette une telle « protection ». Enfin, alors qu« il n’y avait aucune concertation des hébergeurs le 13 avril, ceux-ci commencent à se faire entendre avec cette »Déclaration commune contre la surveillance généralisée d’Internet« . Mais tous savent, que les »carottes sont cuites« , l’opposition politique et civile n’étant pas assez forte pour faire capoter le vote de ce texte. De plus, la prise de conscience des français face à un tel recul des libertés dont ils ne connaissent pas la vraie portée est insignifiante. Il y a comme une sorte de léthargie face au débat et un refus de clairement comprendre qu’il n’apportera aucun remède contre le fanatisme et le terrorisme. Sauf à être plus »fliqué".
Pour calmer cette prise de conscience un peu tardive, mais qui lui fait peur, le gouvernement a mis en place un site Le Vrai/Faux du Gouvernement sur le #PJLRenseignement. Des arguments clairement démontés par les opposants et une bonne partie de la presse montrant que ce texte est un tremplin vers une dictature opportuniste.
Si ce texte sur la surveillance généralisée se devait d’être voté et appliqué, il y aura sûrement un avant et un après post JeSuisCharlie. Aucun futur président de la République ne voudra l’abroger, la crainte étant qu’il lui soit reproché ensuite d’avoir freiné la détection d’un attentat terroriste sur le sol français par les services de renseignements. De même, cette « pèche au chalut » par les services de renseignements ne pourra qu’aller en s’accentuant, car voulant toujours plus de données, pour contrecarrer une éventuelle action terroriste [3]. Malgré tous ces gardes fous et si un attentat a lieu, on peut se demander quelles nouvelles mesures nous proposera alors le gouvernement du moment. Si jusqu’à présent, les utilisateurs de l’Internet étaient en quelque sorte (presque) anonymes derrière un écran ou un smartphone, ils pourraient demain être obligés de s’identifier via l’iris de l’oeil ou l’empreinte d’un doigt avant de pouvoir se connecter. En cas de refus ou usurpation d’identité, se verraient-ils déclarés comme terroriste ? Les français ont-ils si peur pour en arriver là ou existe-t-il encore en eux de la clairvoyance ?


[1A ce sujet, la DGSE installe des centres de surveillance/ramassage de données à l’étranger, lui permettant ainsi de collecter celles émises depuis le sol français sans qu’elle soit en contradiction avec la loi de surveillance généralisée.

[2Ce texte étant selon de mauvaises langues, sous le coude bien avant les attentats du 7 janvier 2015

[3A ce sujet lire la tribune publiée sur le journal Libération qui considère le discours du ministre de l’Intérieur comme « ’un vulgaire copié-collé d’un discours élaboré il y a près de quinze ans par l’administration Bush » après les attentats du 11 Septembre 2001


Par laurent, publié le jeudi 16 avril 2015
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