Rubrique Environnement

Consommez du bio au nitrate

L’agriculture bio, suivant un effet de mode, s’est développée depuis une bonne vingtaine d’années en France. Il est ainsi courant de trouver des légumes et fruits émanant de cette culture, vendus à l’étal des grandes surfaces comme des magasins de détails. Pour permettre de les distinguer des produits non bio, un logo défini au niveau européen, permet de guider le consommateur mais aussi de le rassurer dans ce qu’il va consommer.

Le logo européen « agriculture biologique » ou appelé « Eurofeuille »



Il est couramment admis pour le consommateur que la culture bio n’utilise pas d’engrais ou autres produits comme ceux non étiquetés bio. De même, les sols et autres supports permettant cette culture sont considérés comme sains. Mais est-ce vraiment le cas ?
Pour le savoir, direction le site GEOIDD du Service de l’Observation et des Statistiques dépendant du ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie. A partir des données collationnées, il est possible d’extraire des informations particulièrement fines.
La première extraction va concerner les surface d’agricultures bio (données années 2013) déclarées comme telles en métropole et Dom/Tom. On remarquera qu’une grande majorité de la métropole a maintenant des terres arables permettant celle-ci. On ne peut que se féliciter d’une telle prise de conscience de la part des agriculteurs mais répondant quand même à un effet de mode de vie.

Surface d’agriculture bio



Que ce soit pour la culture des fruits ou des légumes, le principal additif pour l’agriculteur permettant une bonne récolte est d’abord l’eau. Qu’elle soit répandue mécaniquement par ruissellement, au goutte à goutte, etc..., celle-ci assure pour l’exploitant agricole l’assurance d’une bonne récolte. Un certain investissement dans des pompes et conduits va permettre d’acheminer l’eau extraits des rivières jusqu’aux cultures. Mais quelle est la qualité justement de cette eau ? Et surtout de sa teneur en nitrate ?
Deuxième extraction toujours sur le site de GEOIDD.

Teneur en nitrate des cours d’eau



Au premier abord, cette carte n’apporte en soit peu d’informations. Pourtant, en y regardant de plus près, on s’aperçoit que seules les régions du Massif Central, Provence Alpes Côte d’Azur ne sont pas touchées par la pollution du nitrate. Pour le reste, celle-ci s’établit de manière majoritaire (mais pour combien de temps) entre 10 et 25 mg/l. Principalement sur un axe Charentes Maritimes/ Châlons en Champagne, la teneur dépasse par endroits les 50 mg/l de nitrate. Cette pollution étant due principalement aux cultures agricoles. « L’essentiel du problème des nitrates résulte de l’excès d’azote qui ruisselle sur les terres agricoles vers les rivières. Or la réglementation française est jugée bien trop laxiste sur les dates et les durées d’épandage de lisier et autres fertilisants azotés », comme le notait cet article du journal Le Monde (accès abonné). Laxisme de l’état français ayant entrainé sa condamnation « une nouvelle fois, jeudi 4 septembre 2014, par la Cour de justice de l’Union européenne, pour son incapacité à améliorer la qualité de ses eaux ».
Mais quel est le taux de nitrate autorisé dans les eaux de surface destinées à la consommation humaine, donc celles extraites des eaux de rivières ? Selon la directive n° 75/440/CEE du 16/06/75 concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d’eau alimentaire dans les Etats membres, modifiée par la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000 (directive cadre sur l’eau), établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, le taux est limité à 50 mg/l, et on estime qu’un taux inférieur ou égal à 25 mg/l serait préférable (dite valeur guide).



A l’examen de cette carte, il est paradoxal de constater qu’une majorité des surfaces d’agricultures bio en métropole côtoient les cours d’eaux polluées au nitrate. Comme nous l’indiquions plus haut, les exploitants de ces surfaces d’agricultures bio utilisent les eaux de ces rivières, entraînant de facto, une très faible toxicité du produit vendu comme bio. Mais comme nous le remarquons sur cette carte, le taux moyen de pollution en nitrate s’établit en moyenne entre 0 et 25 mg/l. Il est patent que ce taux ne sera pas amené à diminuer. Pourquoi ? Comme l’indiquait l’article du journal Le Monde déjà cité, « l’essentiel du problème des nitrates résulte de l’excès d’azote qui ruisselle sur les terres agricoles vers les rivières. Or la réglementation française est jugée bien trop laxiste sur les dates et les durées d’épandage de lisier et autres fertilisants azotés. Elle permet de traiter des champs très pentus ou gelés et se contente d’imposer des capacités de stockage insuffisantes ».
On se retrouve donc avec le paradoxe suivant : d’un côté des exploitants agricoles qui polluent sans vergogne terres et rivières avec du nitrate [1] et de l’autre côté des consommateurs qui consomment des produits bio qui sont arrosés avec de l’eau polluée. Avec le risque pour demain, d’une possible crise sanitaire majeur.

Nous posons donc la question suivante : le gouvernement actuel, comme les précédents, aurait-il peur des agriculteurs et va-t-il continuer longtemps à accepter une telle pollution de la part d’une minorité qui entre nous soit dit, est la première à pleurer si l’Europe lui enlève une subvention, mais dans le même temps ira manifester à Bruxelles si la même Europe lui demande d’appliquer la directive nitrate ? Car cette minorité nous coûte cher et nous en voudrons pour preuve :

  • premièrement avec le traitement de l’eau polluée, comme le rappelle le site Bretagne Environnement « la Bretagne, avec 80 % de ses ressources en eau potable d’origine superficielle, est une zone fragile vis-à-vis des pollutions par les nitrates. De nombreuses ressources présentent une dégradation de leur qualité. La production d’eau potable nécessite donc de recourir souvent à des mélanges d’eau et à des dispositifs de dénitratation avec pour conséquence une augmentation du coût des traitements et des factures d’eau. ».
  • deuxièmement, si la France n’applique pas rapidement la directive nitrate, l’Europe nous fera payer une amende forfaitaire plus des astreintes journalières, dont les montants ne sont pas encore connus. Ils pourraient atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros. En ces temps où l’Etat se veut d’appliquer des restrictions budgétaires, il serait peut-être temps qu’il prenne le dossier à bras le corps.

En attendant.... consommez des aliments bio au nitrate.


[1Nous avons déjà traité à différentes reprises ici même des agriculteurs pollueurs et de la position de la FNSEA à ce sujet. Vous pouvez retrouvez l’ensemble des articles qui traitent de ce sujet.


Par laurent, publié le lundi 1er juin 2015
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